Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’échanger avec Bruno Chaussignand, créateur de lunettes originales et uniques. Je suis une opticienne passionnée et engagée sur Quimper, et j’ai à cœur de vous faire découvrir les designers français avec lesquels je travaille et qui créent des modèles pour sublimer le regard et se sentir bien. Il y a quelques mois, je rencontrais la créatrice MegEyewear sur Instagram. Voici l’interview :
Alice : Bienvenue sur ce direct du show room du Point de Vue d’Alice.
Bonjour Bruno, merci beaucoup. Je suis ravie de partager ce moment avec toi.
Ça me tenait à cœur de mettre en lumière tes créations et ta façon de travailler. Tu as créé ta marque il y a 10 ans, tout comme moi, j’ai créé le Point de Vue d’Alice.
Peux tu te présenter, avec tes mots, avec ce que tu as envie de partager
Bruno Chaussignand : des lunettes de créateur pour faire passer une émotion
Bruno : Merci pour ton invitation. Bonjour à tous. La marque a dix ans cette année. Je l’ai créée avec ma femme, Marina. L’idée, c’était de faire passer une émotion qui soit un peu plus importante que faire simplement des lunettes.
On sait que porter des lunettes, on se sent désorienté, ça chamboule. Pour ceux qui ne sont pas habitués à en porter. Et cela quel que soit l’âge : 16, 40 ou 70, ça fait toujours une sensation particulière.
Le premier point de contact, c’est l’opticien. Alice a pu sortir des sentiers battus pour faire un vrai accompagnement, pour reprendre confiance à travers les lunettes. On alimente ce type de boutique avec nos produits.
J’essaie de ne pas faire du design gratuit. C’est vraiment un sentiment, une perception de l’environnement que je retranscris à travers les lunettes. C’est magique. Je remercie tous les porteurs d’avoir cette sensibilité commune.
C’est vraiment une idée de partage.
La créativité : faire d’un rêve une réalité
Alice : On a 10 ans tous les deux. Notre envie de départ était de revaloriser. On voit bien qu’il y avait un sens qui se perdait. On l’a ressenti chacun dans notre métier. Revaloriser le porteur de lunettes, les artisans, les designers, les fabricants de lunettes…
Tout ça, ça passe par une notion de création, de créativité, qui pour moi est essentielle quel que soit le métier qu’on fait. S’inspirer de ce qu’on observe, et créer des choses est très importante.
Chez toi, ça me touche beaucoup. Quelle est ta définition de la création , comment tu t’appropries ?
Bruno : Mettre en forme une idée ou une pensée. C’est tout un déroulement. Il y a deux choses
Soit on peut voir une chose et inconsciemment, ça me fait penser à ça et je le dérive en lunettes.
En ce qui me concerne, c’est souvent l’architecture ou l’automobile car il y a une vraie recherche de volumes. Ca peut m’inciter à aller chercher des courbes dans les lunettes, dans autre chose que ce qui est commun, au grand désespoir de mes fabricants. Il m’arrive d’ailleurs de leur demander de ré-étalonner les machines et d’avoir une autre réflexion sur les matières, mais il faut que les machines puissent l’accepter.
A 90% du temps, cette façon de procéder est une belle surprise.
Le 2e aspect : on peut rêver, commencer à l’imaginer et finalement penser à la réaliser. Ca reprend là une autre dimension. On a tous des idées, quel que soit le domaine. Même dans la finance il y a de la créativité. Ce qui compte, c’est d’arriver à matérialiser, pouvoir palper le départ de son rêve, de sa pensée. Ça a un petit côté assez grisant.
J’adore donner vie à un objet qui au commencement est parti d’une réflexion, d’un rêve.
Alice : le week end dernier j’étais au salon du made in france. J’ai croisé plusieurs personnes avec des lunettes B.C et je comprends que cela fasse quelque chose quand tu croises quelqu’un.
Tu as une vraie signature. Tu parles d’architecture, de voitures, c’est un vrai souffle nouveau, une vraie patte. On reconnait vraiment tes créations.
Je faisais un bilan des clients qui ont eu un coup de cœur. Ils ont tous une part de créativité en eux, plus ou moins développée, sur lequel ils travaillent. A chaque fois, il y a une part de créativité, qui ne demande qu’à s’épanouir.
Bruno : Souvent on peut détecter une certaine sensibilité, je trouve cela vraiment formidable. Et je me dis alors : « Waou, ils ont compris ce que je voulais faire passer ! »
Selon les visages, les volumes changent. Et, j’adore que les lunettes prennent vie sur les visages des gens.
Les Lunettes Bruno Chaussignand : un plan de collection pour sublimer le visage des gens
Alice : Explique nous comment tu créées tellement de formes ?
Bruno : c’est une inspiration. Je me suis demandé ce qui allait se passer avec le covid. L’histoire a continué. Chacun amène sa pierre à l’édifice. C’est assez troublant. Toute personne qui crée dans son domaine, c’est comme une grande antenne. On capte. La musique, le cinéma, l’environnement, c’est une grande source d’inspiration. On canalise, on absorbe et il en ressort quelque chose. C’est vraiment l’esprit brut et créatif.
Au bout de 10 ans, j’ai un plan de collection. Je vois ce que j’ai, je vois qui manque, et je vois ce que j’ai envie.
Marina, ma femme, s’occupe des couleurs. Avec le reste de l’équipe, on voit ensuite dans quelle direction où partir. On a toujours une oreille sur l’opticien et le client. Et c’est ça que j’apprécie. Il y a des éléments des clients qui me reviennent. Et ça m’inspire pour la suite.
Alice : Avec le covid, tu as eu des paroles sages. On va se poser, on va écouter, on prend le contexte, on s’adapte. Cette sagesse-là a fait écho.
Bruno : On a tous été déséquilibré, moi le premier. C’est hyper inquiétant. Il y a des responsabilités par rapport à l’emploi. C’est une suite de choses. Finalement, on était tous au même point, pour une fois. Il y a eu un arrêt pour tout le monde. Du coup, ça a permis de faire un recul rapide, de faire le point. Ça a permis de prendre conscience de soi et de son environnement. Quand on s’entend dire, ça fait diminuer la pression.
Zoom sur les modèles de lunettes Bruno Chaussignand : Trouver un équilibre et mettre en place une alchimie
Alice : J’ai pris le modèle « Requiem », qui est nouveau. Il y a une signature dans ton travail, au niveau du pont.
Bruno : Ça me suit depuis que je suis étudiant. Je suis lunetier. Les premières créations, il y a toujours eu un travail là-dessus. Pour moi, le pont est un élément de liaison, qui doit être une signature, mais ne doit pas alourdir le regard. Si c’est trop épais, trop marqué, trop fantaisiste, ça change trop le regard de la personne. Et ça je l’ai vite détecté. Donc juste le petit équilibre est là.
Dans mes créations, c’est mon côté gémeaux, j’aime créer l’équilibre dans le déséquilibre. Je suis à la recherche de courbes qui pourraient heurter l’œil. Mais une fois qu’on se l’approprie, on se dit, c’est une évidence.
Quand je sors quelque chose, c’est que je suis allé au bout de ma réflexion. Il y a des jeux de surépaisseurs, de couleurs, des subtilités. La partie faussement dorée va illuminer le regard, la partie du dessus va le restructurer. Ca va poser un visage.
C’est tout le paradoxe. Ce sont des lunettes qui demandent à être essayées. Je t’en remercie. Ce n’est pas une collection destinée à tous les opticiens, ça demande un certain courage. C’est un vrai dialogue. Ce type de Show Room convient parfaitement. Alice peut vous faire découvrir la collection. Vous aimez, vous aimez pas, c’est l’histoire de la vie.
En tant qu’opticien, ça a été tellement vu comment vendre des lunettes. Faut pas se planter. Ça doit donner la pêche, qu’on se sente épanoui, qu’on soit heureux de les porter. C’est toute une alchimie qu’on essaie de mettre en place.
Alice : C’est vrai, on aime ou on n’aime pas. Car il y a une signature particulière.
Bruno : Avec les lunettes Avril, j’ai voulu réinterpréter le papillon. C’est surtout dans les lignes du dessus, elle va venir ouvrir le regard de la femme, comme un maquillage. Les épaisseurs sont différentes, il y a une facette, comme un biseau, sur le dessus, sur l’arcade. Elle va venir attraper la lumière, comme un coup de blush. Tout est réfléchi.
Alice : Il y a une lumière. tes lunettes captent une lumière. J’aime beaucoup cette notion. Le côté lumineux de la vie me parle, et quand on peut le transcrire dans les créations, ça apporte une vraie émotion. Cette émotion, elle est à la source de ce que tu fais, et elle se transmet.
Bruno: Ça me touche, car c’est vraiment là le moment important. On essaie d’exprimer cette émotion au niveau de la communication. Ça colle tellement à la peau, de toute l’équipe. Ce petit truc là qui est impalpable. Essayez, et vous comprendrez.
Alice : Quand je fais mes conseils lunettes, on prend le temps d’une réflexion par rapport à une forme, une couleur, un style, une personnalité. Quand je décèle un côté artistique dans la personne, les gens sont vraiment très sensibles à tes créations.
Il y a la Pimmlet. On pourrait se dire qu’elle est uniquement homme, mais elle est mixte, c’est vrai.
Bruno : C’est comme une belle chemise blanche d’homme, qu’une femme pourrait porter. Pimmlet, c’est de faire des lunettes très légères avec deux matières, métal et acétate. C’est de l’arrondi, dans une forme extérieure qui est plus vive au niveau des angles, qui viendra toujours se poser au niveau de la pommette pour s’harmoniser par rapport au visage. Elle est typée facile. Un porteur de lunettes carrées ou rectangles, il peut se dire, ok, on va tenter. Et elle va prendre toute la valeur sur les gens.
L’assise, c’est le point primordial. Je mets un temps infini. Je suis intraitable. Le chaussant, c’est hyper important. On les a tous les jours sur le nez. J’ai été formé par un lunetier d’Oyonnax. Il a pu me « transmettre les nez ». Comment réfléchir pour bien faire un nez de lunettes.
Depuis la création des lunettes, il y a eu des créations de nez, pour des petites racines, des grandes racines. De là, ils ont sorti un genre d’étoiles avec les différentes formes de nez. Je ne le possède pas. Mais c’est vrai qu’un nez à 3 angles, il faut trouver le volume pour qu’il porte et qu’il chausse parfaitement. C’est une vraie richesse de connaissance française. Un nez asiatique n’est pas le même qu’un nez français. Selon les régions, ça change. Les lunettes ont quelque chose de magique.
Il y a des brevets à l’infini. C’est pour ça que je suis autant amoureux de ce produit. C’est un produit intelligent qui raconte une multitude d’histoires.
Alice : cette assise se met parfaitement en place. Tout de suite, il y a une sensation hyper positive chez mes clients. C’est le conseil que je donne : “Ecoutez votre première sensation quand vous essayez vos lunettes, car elle va perdurer dans le temps”.
La notion de confort, on sait combien c’est indispensable. Sache que chaque fois que les gens les essayent, ils me disent qu’elles tombent parfaitement bien.
Les lunettes Bruno Chaussignand : du dessin au Point de Vue d’Alice
Alice : Pour la fabrication des lunettes : quelle est la logistique, entre le beau dessin de Bruno et les lunettes chez Alice, qu’est ce qui se passe vraiment ?
Bruno : J’ai tout d’abord des phases de création. Actuellement je crée pour début 2023. Je commence par un plan de collection. J’ai toujours un petit calepin et je griffonne des idées. Une fois que j’ai collecté tous ces éléments, je commence à les mettre en forme. Ensuite, je commence vraiment le dessin technique. Je fais tout à la main, au crayon de papier, au dixième de millimètre. Une lunette change au dixième de millimètre. Les volumes peuvent basculer et partir sur une autre idée.
Lorsque je suis content de mon résutat, je le présente à ma femme, qui va l’organiser. Dans ma société, les trois quarts des personnes qui travaillent autour de moi sont des femmes .
Ma femme réorganise, elle sait ce que j’ai voulu faire, elle arrive à organiser pour que ce soit compris de tout le monde. Une fois discuté point de vue de collection, elle va intervenir pour mettre en forme et passer à la phase de prototype.
Mes dessins sont les plus justes possibles pour ne pas avoir à faire plusieurs maquettes. Ensuite c’est travaillé en commande numérique. Il se crée un programme autour de ces lunettes pour leur réalisation. C’est là que je commence à voir mon travail en 3 dimensions. Quand c’est validé, on travaille sur le choix des couleurs.
Alice : Tes fabrications sont localisées où ?
Bruno : A Oyonnax, dans le Jura. Il doit y avoir un échange avec les artisans. C’est une vraie coopération. Il y a deux aspects : mon désir d’aller plus loin dans le design. Il y a très peu de fabricants en France. Donc j’ai commencé avec l’Allemagne pour certaines parties en métal de mes lunettes. Car ils sont très réputés pour ça. Ça va rester dans ce giron là de passionnés. J’ai trop besoin d’être sûr de ce que je fais. J’ai besoin de cette densité là. Je veux cette sensualité là, du contact dans la main. Puis il y a cette sensation de les porter sur le nez. Et enfin la surprise du porteur de se voir : Ce petit côté magique que je souhaite conserver.
Alice : C’est très important de mettre cela en avant, et cela participe à la recherche de sens, surtout dans le contexte actuel.
L’objectif de cette interview était d’en savoir plus sur toi et avoir le plaisir d’échanger avec toi. Est-ce que tu souhaites rajouter quelque chose ?
Bruno : C’est génial. On a pu échanger en toute intimité. J’adore pouvoir partager ces moments là. Les gens ne pensent pas souvent qu’il y a un designer derrière des lunettes. Lorsque je dis que je dessine des lunettes, ils sont surpris.
Tout ton travail est disponible sur ton site : www.brunochaussignand.com où tu expliques tout cela.
Merci infiniment pour ce temps précieux.